Du Tiurai au Heiva

Les danses, les chants, les sports sont omniprésents lors des premiers contacts.

Leurs manifestations traditionnelles sont une expression de l’âme et de la culture océanienne tout comme autrefois l’art de la guerre.

Ainsi, une constance guerrière a régi l’art de la danse originelle, sa chorégraphie évoquant comme des manœuvres militaires. C’est pourquoi, les déplacements étaient codifiés tant sur plan stratégique que chorégraphique. La danse Ote’a qualifiée de danse guerrière était uniquement réservée aux hommes.

Le principe du concours dans la danse affirmait une volonté de vaincre et ce, dans le cadre d’affrontements pacifiques entre des groupes d’appartenances différenciés dont notamment les districts.

Les danses traditionnelles seront bannies sous l’influence des missionnaires par le Code Pomare.

C’est le gouverneur Bruat qui réintroduit à la fin des années 1840, les Upa Upa par défi vis-à-vis de l’autorité royale même si les danses n’ont jamais vraiment disparu, en les adossant à la fête nationale du 14 juillet pour devenir à partir de l’année 1881 le Tiurai portée par de premières représentations de danses place Tarahoi.

Depuis lors, du sable de Taraho’i qui accueille les premières festivités de 1881 en passant par les planchers en bois de Vai’ete en 1968, puis la mythique scène de To’āta en 2000, le Heiva n’a cessé de célébrer la culture polynésienne.

Fête du Juillet, du 14 juillet, la mémoire collective retient Tiurai traduction du mois de juillet où la foule se pressait autour du célèbre kiosque à musique où se tenaient les jurés, pour suivre les festivités. Les Himene seront cependant les premières expressions de l’institutionnalisation de cette renaissance culturelle.

Les danses même si activement pratiquées dans les districts n’apparaissent au Heiva qu’à partir des années 1930.

Tous les districts gagnaient Papeete logeant dans des campements mis à leur disposition par les autorités communales. À partir de 1891, la commune de Papeete succède au gouverneur pour l’organisation du Heiva.

À partir de 1933, les concours de ‘ōte’a, ‘ūtē, pā’ō’ā et ‘aparima sont distincts.

Les règles de concours se renforcent avec des prescriptions prônant pour les danseurs le retour aux costumes traditionnels.

Les groupes s’affrontaient alors suivant les disciplines pour ravir la ou les récompenses prisées, les districts de Papeno’o et de Papara s’affirmant souvent comme de redoutables concurrents.

La fête populaire durait plusieurs jours, la liesse gagnant tous les édifices publics du chef-lieu de Papeete comme les navires pavoisés à quai dans le port où se tenait la parade des pirogues fleuries.  Les pirogues pouvaient accueillir jusqu’à quarante personnes, celles des districts arborant leurs signes de reconnaissance.

Les courses de pirogues ou va’a ont aujourd’hui pris la relève des pirogues fleuries avec des pirogues comprenant un, trois, six ou douze rameurs tous vêtus de pareo et fleuris.

Les festivités du Heiva seront suspendues pendant les deux guerres mondiales supplantées par de seules manifestations patriotiques.

En 1956, le premier groupe de danse voit le jour sous l’empreinte de Madeleine Moua sous le nom de Heiva Tahiti. Elle donne un nouvel élan à la danse par un grand retour à la tradition afin de se défaire de certaines interdictions religieuses. Elle offre aussi des critères de définition et de notation au jury des concours. Coco Hotahota dépassera lui la rigidité excessive de la tradition pour la concilier avec la modernité.

En 1985, le Tiurai est devenu le Heiva i Tahiti, manifestation phare de l’essence culturelle polynésienne.

Car, le Heiva tient toute son âme de l’implication de ses organisateurs, de ses participants comme de l’engouement de ses publics. La tribune populaire est un spectacle à elle-seule : cris de joie, tonnerres d’applaudissement et commentaires en tout genre.

De 1968 à 1980, le Tiurai est organisé par l’Office du Tourisme avant de n’être confié pendant l’année 2000 à une structure dédiée Tahiti Nui 2000 puis Te Fare Tauhiti Nui.

La grande fête populaire et traditionnelle du mois de juillet marque pour ses danseurs, ses chanteurs, ses musiciens la consécration de l’effort prodigué lors de répétitions répétées tout comme l’ingéniosité dans la création des costumes, des scénographies pour atteindre la primeur particulièrement prisée de l’excellence et de la récompense.

Ainsi, des auteurs, des costumiers sortent de l’ombre.

La renaissance culturelle portée par le Heiva voit aussi le retour à des expressions identitaires diverses comme le tatouage ou la marche sur le feu.  

Le umu ti ou marche sur le feu né dans la nuit des temps ouvre désormais les festivités du Heiva i Tahiti. Le tahu’a Raymond Teriirooiterai Graffe est le maitre incontesté de cette cérémonie calée sur le calendrier lunaire ancestral.

Les athlètes des tu’aro maohi comme tous les adeptes des manifestations culturelles tierces du Heiva i Tahiti ne sont pas sans reste.

Les sports avaient place dans le Tahiti d’antan et ses champions rivalisaient dans diverses épreuves codifiées qui ont été retranscrites dans les écrits des premiers explorateurs.

Ces sports traditionnels ou Tu’aro maohi rassemblent aujourd’hui quelques centaines de participants venus des cinq archipels de Polynésie mais aussi du triangle polynésien. Ces disciplines sont notamment le grimper de cocotier, le lever de pierres, le lancer de javelot, le décorticage de la noix de coco, les courses de porteurs de fruits, la lutte traditionnelle et les régates des pirogues à voile ou va’a ta’ie.

Les courses hippiques à la tahitienne toutes en couleur, leurs cavaliers et cavalières lancés au galop, vêtus de pareo, tous couronnés et chevauchant à cru, sans selle, nous replonge par ailleurs dans le Tiurai d’hier

La notoriété du Heiva est désormais acquise et se fête dans les îles des autres archipels dans des formes certes plus souples.

Le Heiva tend à se déplacer aussi à l’extérieur de nos frontières mais non sans risque d’appropriation d’une culture d’essence maohi.

Jean-Cristophe SHIGETOMI